La pathologie des fissures anale
mieux comprendre, pour mieux guérir!
Il ne faut pas confondre fissure et fistule anale.
La première est très fréquente, alors que la deuxième se voit de façon occasionnelle.
Nous parlerons ici de la fissure anale.
L’origine de la fissure anale se situe habituellement durant l’enfance ou l’adolescence. À ce stage, le rectum est beaucoup plus élastique, ce qui occasionne des selles très volumineuses. C’est l’histoire typique de l’enfant qui bouche la toilette régulièrement.
Dans ces conditions, l’évacuation du bolus fécal pourrait causer – c’est l’hypothèse étiologique – une hypertonie du sphincter interne. En effet, lorsqu’on effectue une manométrie rectale (mesure de la pression du canal anal), on observe que le sphincter interne se contracte de façon excessive et prolongée.
Par la suite, l’évacuation d’une grosse selle, ou toute autre cause de distension brutale du canal anal (comme une diarrhée explosive) peut entrainer une récidive de la fissure et par le fait même une nouvelle crise de spasme du sphincter interne.
On obtient ainsi les symptômes habituels de la fissure anale:
- déchirure dans le canal, ce qui entraine un saignement, le plus souvent local (sur le papier) et aussi la sensation de brulure
- spasme du sphincter interne, ce qui entraine une douleur intense
- parfois, la déchirure cause la présence d’une petite languette de peau à son extrémité inférieure, que l’on appelle marisque
- à l’occasion, la déchirure forme une amas fibreux à son extrémité interne : on appelle cela un polype fibreux
L’appareil sphinctérien anal est constitué de deux sphincters : le volumineux sphincter externe, sous contrôle volontaire, et le sphincter interne, un muscle autonome (donc avec un fonctionnement automatique, ce qui assure une continence même durant le sommeil). Voir à ce sujet le thème « Anatomie du rectum ».
L’examen de la fissure anale est assez typique:
- À l’examen externe, l’anus est contracté, formant des plis cutanés
- À l’insertion du doigt, on note une contraction intense du sphincter interne (on peut grader ce spasme de niveau 1 à 4)
- L’examen digital provoque une douleur, laquelle est plus intense dans le quadrant où la fissure est située, et un accroissement de la pression du sphincter interne
- Enfin on peut sentir le sillon de la fissure : elle est située le plus souvent en postérieur (en regard du coccyx, par convention à 6 heures). Le deuxième site en fréquence est le quadrant antérieur (à midi)
Une fissure dans les quadrants latéraux doit faire suspecter un autre diagnostic : maladie de Crohn, colite ulcéreuse, tumeur ou encore une lésion infectieuse.
Le traitement de la fissure anale
La fissure anale est un problème récurrent : il suffit d’une selle volumineuse pour réactiver le problème.
On doit donc considérer deux types de situations :
- La fissure anale aigue, qui s’est produite récemment
- La fissure anale chronique, qui n’a pas été traitée ou qui est en place depuis des mois, même le plus souvent des années
Dans le premier cas, le traitement est rapide : il suffit de quelques jours de traitement pour résoudre le problème, à la condition d’amorcer le traitement précocement.
Dans le second cas, le traitement prendra de deux à huit semaines, et même parfois plus, selon la chronicité du problème.
Régler la constipation
Dans le traitement, on doit d’abord considérer d’améliorer la qualité des selles :
- En augmentant la charge de fibres dans l’alimentation (Voir la rubrique « Alimentation »)
- En utilisant un émollient fécal (docusate)
- En augmentant artificiellement la charge de fibres (métamucil, bénéfibre)
- En réduisant les aliments qui constipent, notamment les bananes
Les laxatifs sont à éviter, sauf de façon exceptionnelle.
L’huile minérale ne doit être employée que pour de très courtes périodes : en effet, son usage régulier nuit grandement à l’absorption de plusieurs vitamines (A, D, E, K).
Concernant l’hydratation, même si l’enseignement classique veut que l’on doive forcer un surplus d’hydratation, les études récentes concluent qu’une hydratation normale (environ 1,5 litre par jour chez l’adulte) suffit amplement et qu’il n’est pas utile d’exagérer l’hydratation.
Le traitement local de base
Plusieurs traitements locaux de base sont disponibles pour traiter la fissure et les symptômes douloureux :
- En phase aigue, le bain de siège (i.e. le bol de plastique sur la toilette ou le bidet) avec une eau modérément chaude soulage rapidement la douleur. Une durée de trois à cinq minutes suffit généralement et il est déconseillé de l’utiliser pour de longue durées (ex : 15 minutes).
- À cet égard, le « grand bain » est beaucoup moins efficace, voire inefficace
- Les onguents et crèmes disponibles en pharmacie. Certaines préparations contiennent de la cortisone et des analgésiques, d’autres ne sont qu’analgésiques (Xylocaine)
- Le suppositoire de glycérine, pour aider à évacuer la selle (c’est la méthode de choix chez le jeune enfant)
- La simple vaseline, qui agit comme lubrifiant et facilite le passage de la selle.
Le traitement local pharmacologique
Lorsque ces moyens de base ne suffisent pas, on doit utiliser des produits plus efficaces :
- Une préparation de cortisone à 2,5% : utilisée pour les cas les plus faciles
- Une préparation de Nifédipine à 0,5% dans Vaseline
- Une préparation de Nitroglycérine à 0,2% dans Vaseline
Pourquoi la Vaseline : parce que son pouvoir adhésif facilite l’insertion dans le canal, sans trop de perte à l’extérieur, et sa persistance au contact de la paroi du canal anal. De plus la stabilité de la préparation magistrale est prolongée jusqu’à 6 mois.
La Nifédipine et la Nitroglycérine provoquent une relaxation soutenue du sphincter interne : le relâchement du spasme soulage la douleur et permet la guérison de la fissure.
La Nifédipine parvient à régler la plupart des cas plus sévères.
La Nitroglycérine est plus puissante que la Nifédipine, mais son utilisation est souvent la cause de céphalées (maux de tête). On la garde donc en réserve pour des cas exceptionnels.
Certains utilisent aussi le Diltiazem 2% au lieu de la Nifédipine. En cas d’allaitement, c’est le médicament de choix.
Conseils pratiques
Combien de temps faire le traitement?
Dans un cas traité pour la première fois, de quatre à huit semaines suffisent généralement.
En cas de chronicité, le traitement peut prendre jusqu’à quatre mois.
Dans un cas aigu ou en cas de récidive après une longue période de repos, un traitement d’une à trois semaines amène habituellement une résolution des symptômes.
Les récidives sont-elles fréquentes?
Oui, mais elles ont tendances à s’estomper avec les années et surtout avec un bon contrôle de l’alimentation et de la constipation.
Que faire si des saignements apparaissent après le traitement?
Il arrive souvent qu’une personne traitée avec succès pour une fissure anale commence à présenter un saignement anal qui n’était pas présent auparavant. On note aussi que la douleur, typique de la fissure anale, est absente ou peu importante. Le relâchement de la pression dans le canal anal permet aux varices hémorroïdaires, si elles étaient présentes au départ, de se gonfler.
Il en résulte qu’elles peuvent sortir (voir les grades hémorroïdaires) ou encore commencer à saigner si elles sont blessées.
Le saignement est alors plus abondant, parfois même en goutte à goutte dans la toilette.
Que faire alors?
Tout simplement procéder à une ou plusieurs ligatures hémorroïdaires. La ligature, souvent inconfortable en présence d’une fissure et donc d’une hypertonie sphinctérienne, devient alors beaucoup plus facile et confortable.
Il est bien important que la personne qui a été traitée pour une fissure et qui revient pour un saignement hémorroïdaire, reprenne le traitement avec la Nifédipine ou autres afin que la manœuvre de la ligature ne provoque pas une contraction du sphincter.
En attendant d’avoir une ligature, il peut être utile de mettre de la pâte d’Ihle dans le canal anal. Cela permet souvent de réduire le saignement.
Afin de vous aidez, nous avons mis à votre disposition plusieurs conseils utiles.